Lorsqu’un couple de néo-vignerons réinvente la viticulture avec la permaculture

11 avril 2025

Le virage audacieux d’un couple passionné

Originaire de Bruxelles, Émilie et Thomas n’étaient pas prédestinés à devenir vignerons. Elle, biologiste de formation, spécialisée en écologie. Lui, ancien designer industriel, amoureux de la nature. Après plusieurs années dans leurs carrières respectives, le couple décide de changer de vie. Leur objectif : vivre en harmonie avec la nature tout en donnant un sens à leur travail. Leur choix se porte alors sur la viticulture, mais pas n’importe laquelle. Ils veulent allier leur passion pour les vins naturels à une démarche environnementale exigeante, fortement inspirée par la permaculture.

En 2017, ils acquièrent une petite parcelle de terres en friche au cœur de la province de Namur. Le terrain, en pente douce et bien exposé, présente un potentiel viticole prometteur. Mais plutôt que d’arracher les haies ou de niveler les sols pour simplifier la gestion, ils décident d’adopter une approche différente, inspirée des principes fondamentaux de la permaculture.






Mais au fait, qu’est-ce que la permaculture appliquée à la viticulture ?

La permaculture repose sur le principe d’imiter la nature pour créer un écosystème équilibré, productif et résilient. En viticulture, cela signifie travailler avec la nature, plutôt que contre elle. Concrètement, voici quelques-uns des principes qu’Émilie et Thomas ont intégrés dans leur domaine :

  • Préservation et valorisation de la biodiversité : plantations de haies gourmandes, bandes fleuries, accueil d’oiseaux, d’insectes pollinisateurs ou encore d’abeilles.
  • Cultures associées : entre les rangs de vigne, ils cultivent des légumes, plantes aromatiques et engrais verts. Ces associations favorisent la fertilité des sols et repoussent certains ravageurs.
  • Sol vivant : aucun labour profond pour préserver les micro-organismes. Ils privilégient le paillage naturel et le compost fait maison pour enrichir la terre.
  • Gestion autonome de l’eau : récupération des eaux de pluie et utilisation de matériaux perméables pour limiter l’érosion des sols.

Ces pratiques, bien qu’exigeantes, ont des avantages indéniables : les maladies cryptogamiques comme le mildiou ou l’oïdium sont limitées par le maintien d’un équilibre naturel, les sols restent fertiles sans intrants chimiques et les vignes développent des défenses naturelles.






Un défi technique mais payant

Lorsqu’ils se sont lancés, Émilie et Thomas ne s’attendaient pas à ce que le défi soit aussi complexe. « On a beaucoup lu, expérimenté, et parfois échoué, avant de trouver les bonnes associations et l’équilibre idéal », partage Thomas lors d’un récent entretien.

Un des premiers obstacles a été le choix des cépages. Les variétés traditionnelles comme le chardonnay ou le merlot sont souvent peu adaptées au climat humide de la Wallonie, surtout lorsqu’on opte pour une culture sans fongicides de synthèse. Ils se sont tournés vers des cépages résistants ou interspécifiques, comme le solaris ou le johanniter, qui nécessitent moins de traitements.

Autre difficulté inattendue : la gestion des mauvaises herbes. Dans une approche permaculturelle, le désherbage chimique est bien entendu exclu. Mais laisser pousser certaines plantes n’est pas toujours compatible avec une bonne productivité. Leur solution : introduire des moutons et des poules dans le vignoble pour entretenir les sols naturellement.






Le rôle du vin dans l’écosystème local

Pour Émilie et Thomas, leur domaine n’a pas seulement une vocation vitivinicole. Ils voient leur vignoble comme un écosystème à part entière, intégré dans un territoire. Ainsi, ils se sont donné pour mission de valoriser aussi les produits locaux voisins. Par exemple, ils mettent parfois en collaboration leurs vendanges et un boulanger local, qui utilise le marc de raisin pour aromatiser ses pains.

En parallèle, ils travaillent avec des écoles pour sensibiliser les enfants à l’écologie et à l’agriculture durable. « Faire comprendre aux prochaines générations que la vigne peut vivre en harmonie avec la faune et la flore, c’est essentiel pour l’avenir », explique Émilie.






Et dans les verres, ça donne quoi ?

Avec une première cuvée baptisée "Résilience", le domaine a rapidement séduit les amateurs de vins naturels et fins. Les blancs sont frais, tendus, et présentent des notes florales surprenantes dues aux cépages interspécifiques. Les rouges, quant à eux, misent sur la légèreté et une belle minéralité, reflet des terroirs schisteux de la région.

Petit clin d’œil à leur démarche : chaque bouteille est ornée d’une étiquette en papier recyclé, et leur packaging est 100 % biodégradable. Une manière, pour eux, de prolonger leur réflexion écologique jusque dans nos maisons.






L’avenir de la viticulture permaculturelle en Wallonie

Émilie et Thomas ne sont pas seuls. En Wallonie, plusieurs autres projets viticoles émergent avec des démarches similaires, témoignant d’un mouvement de fond. Selon certaines estimations, les vignobles wallons pourraient tripler en superficie d’ici 2050, accompagnant la montée en puissance d’un public toujours plus sensible à l’origine et à l’impact environnemental des produits consommés.

Le domaine d’Émilie et Thomas reste néanmoins un précurseur, prouvant que l’on peut produire des vins de qualité tout en respectant la nature. Et si vous êtes amateur de vin et curieux de découvrir une Wallonie viticole différente, pourquoi ne pas leur rendre une petite visite ? Une dégustation chez eux, c’est avant tout l’occasion de partager bien plus qu’un verre de vin : c’est un véritable échange autour de la passion, de l’agriculture engagée et, surtout, de l’avenir de notre planète.

Vignoble en permaculture en Wallonie





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