5 avril 2025
Si aujourd’hui leur nom s’impose dans de nombreux salons et concours, les débuts de ce domaine familial étaient loin d’être évidents. Créé dans les années 2000 dans une région vallonnée de la province de Namur – alors encore très loin de l’effervescence viticole actuelle – l’exploitation est née d’un rêve un peu fou : prouver que les terres wallonnes pouvaient rivaliser avec d’autres régions históriquement viticoles comme la Bourgogne ou l’Alsace.
Ce rêve, porté par un couple d’agriculteurs passionnés, s’est matérialisé sur un peu moins d’un hectare de vignes. Les débuts étaient modestes : des petites parcelles parfois difficiles d’accès, un climat encore vu comme un défi pour la viticulture belge et des moyens financiers limités. Cependant, une conviction les animait dès leurs premiers rangs de vignes plantés : leur production serait respectueuse de la nature et du consommateur.
La vraie transformation s’est opérée quelques années après les débuts du domaine : un virage totalement assumé vers la viticulture naturelle. Mais qu’entend-on exactement par viticulture naturelle ? Imaginez une viticulture où :
Ce choix n’a pas été simple à mettre en place. Certains cépages se montraient particulièrement sensibles aux maladies cryptogamiques comme l’oïdium ou le mildiou, et les premières années furent marquées par des récoltes souvent modestes. Pour pallier ces défis, la famille a décidé d’investir dans des formations en agroécologie et de collaborer avec des chercheurs locaux spécialisés dans la biodiversité au vignoble.
Comment un domaine de petite taille a-t-il pu s’imposer comme une référence malgré ces défis initiaux ? C’est toute une stratégie fondée sur des valeurs solides et une approche technique exemplaire qui a permis ce succès.
Plutôt que de suivre les modes, les propriétaires se sont attachés à expérimenter des cépages résistants et adaptés aux conditions climatiques locales. Parmi eux, on retrouve des variétés comme le Johanniter ou le Solaris, qui demandent peu ou pas de traitements chimiques. D’autres cépages autochtones moins connus mais parfaitement adaptés, comme certains hybrides belges récents, complètent leur palette variétale.
Une des clés du succès réside également dans la manière dont la biodiversité a été intégrée au vignoble. Au fil des années, le domaine a planté des haies, des arbres fruitiers et des bandes fleuries entre les parcelles. Ces éléments attirent une faune bénéfique : insectes pollinisateurs, auxiliaires prédateurs de ravageurs, etc. Un bel exemple d’agroforesterie appliquée à la viticulture !
Toutes les étapes de la production, de la vigne à la bouteille, sont jalousement surveillées par la famille. Les raisins sont récoltés à la main, parcelle par parcelle, pour garantir une qualité irréprochable. En cave, les interventions sont limitées au strict nécessaire : pas de levures artificielles ni de sulfites à haute dose. Résultat : un vin qui reflète authentiquement le terroir.
Enfin, le domaine ne s’est pas contenté de produire du vin. Il a noué des liens solides avec la communauté locale. Chaque année, des journées portes ouvertes permettent aux visiteurs de comprendre les pratiques agricoles, et des ateliers pédagogiques sur la viticulture naturelle attirent des curieux venus de toute la Belgique. Cette transparence a renforcé la confiance des consommateurs.
Le travail acharné du domaine familial n’a pas tardé à franchir les frontières de la Wallonie. En 2016, leur premier vin « nature » a décroché une médaille d’or lors du prestigieux concours des vins bio européens. Cet événement a marqué un tournant, propulsant le nom du domaine dans les circuits des amateurs de vin naturel.
Aujourd’hui, leur gamme s’étend à plusieurs cuvées emblématiques, allant des blancs minéraux et tendus aux rouges soyeux et complexes. La production reste volontairement limitée pour privilégier la qualité. Pourtant, un projet en cours pourrait leur permettre d’agrandir légèrement leur vignoble : une collaboration avec d’autres petits producteurs locaux pour cultiver de nouvelles parcelles selon leurs principes de viticulture naturelle.
Ce domaine familial, par son dynamisme et son engagement, a inspiré d’autres exploitations en Wallonie. En quelques années, la viticulture naturelle y a pris un essor inattendu. Selon les derniers chiffres du SPF Agriculture, le nombre de vignobles biologiques ou en conversion en Wallonie a doublé entre 2018 et 2023.
À travers cette dynamique, on assiste à un changement profond des mentalités agricoles dans la région. La valeur n’est plus seulement mesurée par les rendements, mais aussi par la durabilité, le respect du vivant et la capacité à offrir des vins authentiques. Cette nouvelle génération de vignerons wallons semble prête à relever le défi.
En rendant hommage à ce domaine familial, c’est toute une philosophie que nous célébrons : prendre soin de la terre pour mieux en faire ressortir l’expression. Ce modèle, basé sur la passion, le respect et la résilience, ouvre la voie à une viticulture plus respectueuse et authentique, en Wallonie comme ailleurs. Que vous soyez amateur de vin ou simplement curieux, je vous invite à aller rencontrer ces vignerons qui, le temps d’un verre, partageront avec vous leur histoire… et leur terroir.