Permaculture et viticulture wallonne : une alliance vraiment possible ?

3 mai 2025

La permaculture : petit rappel sur ses fondements

Avant d’aller plus loin, un bref rappel s’impose. La permaculture, contraction de "permanent agriculture", repose sur trois grands principes éthiques :

  • Prendre soin de la Terre : préserver les sols, la biodiversité, les ressources naturelles.
  • Prendre soin des êtres humains : favoriser des modes de vie soutenables et inclusifs.
  • Redistribuer les surplus : limiter le gaspillage et partager équitablement les productions.

Concrètement, la permaculture privilégie la résilience des écosystèmes en s’inspirant directement des mécanismes naturels, tout en cherchant à minimiser les intrants extérieurs (eau, engrais chimiques, énergie). Cela se traduit par des pratiques comme la couverture permanente des sols, des associations bénéfiques entre plantes, ou encore la création d’écosystèmes variés. Mais est-ce compatible avec une culture historique comme la vigne, et a fortiori en Wallonie ?






Les particularités de la viticulture en Wallonie

La Wallonie est encore une terre jeune en matière de vignobles. Avec un total de près de 250 hectares en exploitation, ses surfaces viticoles restent modestes face aux géants français ou espagnols. Cependant, le nombre de producteurs ne cesse d’augmenter, et la qualité des crus se fait progressivement remarquer. L’adoption de méthodes durables est également bien ancrée : plusieurs vignerons se tournent vers la production biologique, voire biodynamique.

Cependant, la région cumule quelques défis de taille :

  • Un climat capricieux : avec une pluviométrie annuelle variant entre 850 et 1200 mm selon les zones, la Wallonie fait face à un climat qui favorise l’apparition de maladies cryptogamiques comme le mildiou ou l’oïdium.
  • Des sols diversifiés mais parfois lourds : on trouve des sols argileux, limoneux ou encore des schistes, mais ces derniers peuvent être difficiles à travailler ou mal drainés.
  • Une économie de niche : la production wallonne reste un marché de petites structures, souvent limité en main-d’œuvre et en moyens financiers.

Ces spécificités régionales poussent certains producteurs à chercher des alternatives pour rendre leurs vignobles à la fois plus résilients et moins dépendants des intrants chimiques. Et c’est ici que la permaculture entre potentiellement en jeu.






Quels principes permaculturels pour la vigne ?

Les principes permaculturels, s’ils ne sont pas nés pour la viticulture, peuvent être ajustés pour s’adapter à une culture comme la vigne. Voici quelques exemples concrets :

1. La biodiversité fonctionnelle

Contrairement aux monocultures classiques des vignobles, le modèle permaculturel encourage la diversité. En introduisant des plantes compagnes dans les rangs de vignes (fleurs mellifères, plantes fixatrices d’azote, herbes aromatiques), il est possible d’attirer des pollinisateurs, de prévenir l’érosion et d’améliorer les conditions du sol. En Wallonie, certaines expériences combinant vigne et fleurs sauvages ont déjà montré des résultats prometteurs pour limiter les herbicides tout en revalorisant les sols.

2. L’agroforesterie

Autre pratique clé en permaculture : l’agroforesterie, ou l’art de combiner arbres et cultures. Dans un vignoble, planter des arbres entre certaines rangées peut offrir de l’ombre (précieux pendant les canicules), améliorer la structure des sols avec leurs racines profondes, ou même servir de brise-vent. En Wallonie, où les vents peuvent parfois endommager les vignes ou les hâler, cette option mérite réflexion.

3. La gestion des sols

Un sol vivant est au cœur de la permaculture. Cela signifie notamment limiter les labours pour préserver les micro-organismes, et privilégier le paillage naturel. Plusieurs vignerons wallons commencent à remplacer les désherbants par des méthodes d’enherbement ou de recouvrements organiques, réduisant ainsi l’érosion et les pertes hydriques.

4. Les énergies naturelles

La permaculture promeut également une utilisation optimale des ressources naturelles. Par exemple :

  • La récupération et la gestion de l’eau de pluie (très utile en Wallonie, notamment pour éviter les accumulations d’eau dans les terrains argileux ou les gelées au printemps).
  • La création d’espaces orientés pour maximiser les apports solaires, idéal pour les levées de brume matinale.





Quelques initiatives inspirantes en Wallonie

Si la permaculture reste encore marginale dans les vignobles, certains acteurs wallons n’hésitent pas à en intégrer des pans. On peut notamment citer :

  • Le domaine directionnel à Huy, qui a mis en place des plantations d’arbres entre ses parcelles de vigne pour lutter contre les vents desséchants. Les résultats montrent déjà une meilleure régulation de l’humidité.
  • D’autres vignobles qui multiplient les expérimentations en enherbement spontané pour redynamiser les sols, tout en testant des associations bénéfiques avec des lavandes ou des thyms pour dissuader certains insectes ravageurs.
  • Le Château de Bioul, qui explore la cohabitation vignoble-biodiversité dans une démarche proche de la permaculture, intégrant notamment des abeilles et en préservant les haies naturelles environnantes.

Ces expériences montrent que, même s’il reste complexe de "faire 100 % permaculture", certains outils et techniques peuvent enrichir une exploitation viticole.






Les défis d’une adoption totale en Wallonie

Appliquer la permaculture à la vigne en Wallonie est séduisant sur le papier, mais ce choix n’est pas sans défis. Voici les principaux freins souvent cités par les producteurs :

  • Une forte demande en main-d’œuvre : les vignobles permacoles nécessitent souvent plus de travail manuel, ce qui peut paralyser des exploitations modestes.
  • Une adaptabilité limitée : certains principes permaculturels, comme les interplantations denses, peuvent perturber la mécanisation traditionnelle des vignobles.
  • Les aléas climatiques spécifiques : en Wallonie, le climat froid et humide n’est pas toujours compatible avec des pratiques permetant de limiter les traitements sans mettre en danger les récoltes.





Vers une viticulture « semi-perma » en Wallonie ?

Au final, la permaculture peut s’imposer comme une source d’inspiration pour les vignobles wallons sans pour autant être adoptée de manière stricte. Plutôt que de parler de permaculture, on pourrait imaginer un modèle "hybride" où les vignerons conservent certaines pratiques traditionnelles tout en intégrant progressivement des éléments plus durables. Cela permettrait d’allier performance économique, respect de l’environnement et ancrage local.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Le vignoble wallon est-il prêt à franchir ce cap, ou cette transition mettra-t-elle encore plusieurs décennies à s’amorcer réellement ? La discussion reste ouverte !






En savoir plus à ce sujet :