L’histoire méconnue de la viticulture en Wallonie

11 février 2025

Des moines et du vin : l’origine médiévale de la viticulture wallonne

Pour comprendre les origines de la viticulture en Wallonie, il faut remonter au Moyen Âge. C’est à cette époque que les premières vignes ont été plantées sur nos terres, souvent à proximité des abbayes. Les moines, grands amateurs de vin (à des fins religieuses mais aussi gastronomiques), ont été les premiers à cultiver la vigne dans notre région.

Parmi les exemples célèbres, on retrouve l’abbaye de Villers-la-Ville, dont les moines cisterciens disposaient déjà de vignobles dès le XIIe siècle. Ces religieux avaient une excellente connaissance des sols et du climat grâce à leurs observations rigoureuses, ce qui leur a permis de choisir des emplacements propices aux vignes. À l’époque, le vin produit servait principalement pour les offices religieux, mais il était aussi utilisé comme boisson et même comme médicament.

Si les vignobles médiévaux étaient modestes en termes de surface, ils ont néanmoins marqué le paysage agricole de l’époque. C’est un héritage souvent oublié mais qui prouve que la viticulture wallonne plonge ses racines dans une tradition quasi millénaire.






Du déclin à l’effacement : la fin d’une époque viticole

La viticulture en Wallonie avait atteint son apogée aux XIIIe et XIVe siècles. Mais plusieurs facteurs ont contribué à son déclin progressif. Le premier, sans surprise, est le climat. Les conditions climatiques de plus en plus rigoureuses à partir du XVe siècle, notamment avec le petit âge glaciaire, ont rendu la culture de la vigne plus difficile. Les gels précoces, les étés frais et les pluies abondantes ne jouaient pas en faveur de la production viticole, déjà fragile.

En parallèle, le développement des routes commerciales et du transport fluvial a permis d’importer du vin de régions plus propices à la viticulture, comme Bordeaux ou la Bourgogne. Ces vins, réputés et produits à plus grande échelle, ont rapidement remplacé les crus locaux, moins prestigieux.

Finalement, des changements agricoles ont scellé le sort de la vigne en Wallonie. Les terres ont peu à peu été reconverties pour d’autres types de cultures ou d’élevage, jugés plus rentables et mieux adaptés aux conditions locales. Vers le XIXe siècle, la viticulture avait pratiquement disparu de la région.






Le renouveau de la vigne wallonne : une histoire contemporaine

C’est dans la deuxième moitié du XXe siècle que la vigne a timidement fait son retour en Wallonie. Mais le véritable tournant est intervenu au début des années 2000, porté par une prise de conscience : et si nos terres d’origine agricole étaient aussi capables de produire des vins de qualité ?

Aujourd’hui, la viticulture wallonne connaît une renaissance spectaculaire. Avec environ 160 hectares de vignobles plantés en 2023, cette activité représente certes une infime partie de l’agriculture régionale, mais elle témoigne d’un essor remarquable. La diversité des cépages cultivés est également un indicateur de cette performance croissante : chardonnay, pinot noir, auxerrois, et même des cépages hybrides comme le johanniter ou le solaris.

Un terroir favorable, voire surprenant

Contrairement aux idées reçues, la Wallonie dispose de terroirs particulièrement favorables à la culture de la vigne. Les sols calcaires, riches en minéraux, rappellent par certains aspects ceux de la région champenoise en France. Ce n’est donc pas un hasard si la production de mousseux y est en plein boum. Les coteaux exposés au sud permettent, quant à eux, une bonne maturation des raisins malgré un climat globalement frais.

Les conditions climatiques jouent également un rôle. Le réchauffement climatique, bien que problématique à d’autres égards, a paradoxalement apporté des saisons plus longues et plus chaudes, idéales pour certaines variétés de vigne.






Des domaines qui brillent à l’international

Les quelques dizaines de producteurs wallons mettent tout en œuvre pour élaborer des vins reconnus par les amateurs comme par les experts. Parmi eux, certains domaines sont de véritables success stories :

  • Le Domaine des Agaises : célèbre pour son Ruffus, ce mousseux méthode traditionnelle rivalise avec les meilleurs champagnes français.
  • Le Domaine du Chenoy : pionnier dans l’utilisation de cépages résistants aux maladies cryptogamiques, il ouvre la voie pour une viticulture durable.
  • Le Château de Bioul : une approche innovante, avec une mise en avant du patrimoine local et une gamme de vins fins et élégants.

Ces exemples illustrent la diversité et l’ambition d’une région en pleine mutation viticole. De plus, ces producteurs s’inscrivent souvent dans une démarche durable, favorisant l’agriculture biologique ou la permaculture.






Les défis de demain pour la viticulture wallonne

Malgré cette dynamique encourageante, tout n’est pas simple pour les vignerons wallons. Plusieurs défis restent à relever pour continuer cette (re)construction de la viticulture locale :

  1. Le climat : Même si les températures se réchauffent, les gelées printanières et le risque croissant d’épisodes climatiques extrêmes (grêle, sécheresse) posent parfois de sérieux problèmes.
  2. La concurrence : Avec la pression des vins européens et mondiaux, les producteurs doivent se démarquer par des produits uniques et de qualité.
  3. La sensibilisation du public : Beaucoup d’amateurs locaux ignorent encore qu’il existe des produits wallons qui valent le détour. Ils continuent de privilégier les grands noms étrangers, faute d’information.





Une tradition en devenir

Si la Wallonie n’est pas encore perçue comme une grande région viticole, les progrès accomplis en un laps de temps si court sont impressionnants. Et avec la montée en puissance des initiatives agricoles durables et locales, tout indique que cet élan va se poursuivre. Bref, la viticulture wallonne n’a peut-être pas fini de nous surprendre.

Alors, la prochaine fois que vous débouchez une bouteille, pensez au Ruffus ou au vin du Chenoy. Ces vins racontent non seulement une histoire de passion et de savoir-faire, mais participent aussi à écrire les premières pages d’une nouvelle tradition sur nos terres wallonnes.






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