Engagement à réduire nos émissions de méthane de 30 % d’ici à 2030 : produire et consommer moins et mieux est la seule solution

Notre pays s’est engagé à réduire ses émissions de méthane, puissant gaz à effet de serre, de 30% d’ici à la fin de la décennie. C’est un objectif nécessaire pour limiter le réchauffement climatique, mais impossible à atteindre si l’on ne modifie pas notre mode de production agricole : plus de trois quarts de nos émissions de méthane proviennent de l’agriculture et en particulier de l’élevage en Wallonie. Ces émissions ont baissé de 17 % ces dix dernières années, ce qui est significatif. Mais la tendance reste insuffisante pour atteindre l’objectif. Pour ImPAACte (WWF, IEW, Greenpeace, Natagora et Nature et Progrès), il est donc indispensable, en matière de produits animaux, de produire et de consommer moins et mieux pour accélérer la baisse de ces émissions. Via des politiques volontaristes, il est crucial de soutenir fortement les élevages qui permettent, tout en réduisant le cheptel, de maintenir les prairies permanentes ; ces dernières constituant les deuxièmes stocks de carbone après les forêts en Wallonie.

La semaine dernière durant la COP26, la Belgique, à l’instar de plus de 80 pays, s’est engagée à réduire ses émissions de méthane de 30 % d’ici 2030 par rapport à 2020. Le méthane (CH4) est le deuxième gaz à effet de serre lié à l’activité humaine après le dioxyde de carbone (CO2). Même s’il fait moins parler de lui, son effet de réchauffement est près de 30 fois plus important par kilogramme que celui du CO2 sur un horizon de cent ans.

En Wallonie, 77 % du méthane est émis par l’agriculture et en particulier par l’élevage. Les émissions sont essentiellement liées au processus de digestion des bovins et à l’épandage des effluents – le fumier et le lisier – sur les exploitations.

Si le secteur doit contribuer à la réduction des gaz à effet de serre pour la société dans son ensemble, il le doit aussi pour lui-même étant donné sa grande vulnérabilité au changement climatique.

Le double défi de l’élevage en Wallonie

C’est la Flandre qui concentre la grande majorité de l’élevage intensif et “hors sol” – ces élevages dans lesquels les animaux ne sortent pas. Mais la densité du bétail par hectare est également deux fois supérieure à la moyenne européenne dans le sud du pays, ce qui impacte négativement non seulement le climat mais aussi l’environnement et la biodiversité qui y est associée.

La Wallonie est dans le peloton de tête européen des émissions par unité de surface agricole : 6,5 kilos d’équivalent CO2 par hectare, contre une moyenne de 2 kilos ailleurs en Europe.1 Il s’agit principalement de protoxyde d’azote (N2O) libéré par l’usage d’engrais chimiques et de méthane (CH4), produit principalement par les bovins. De fait, la captation éventuelle de carbone par les prairies est très variable selon les contextes et n’est pas à même de compenser de manière significative les émissions par le bétail dans les pâturages.

Cet élevage intensif ne ramène pour autant pas toujours de rentabilité économique aux exploitations. Le revenu du travail par exploitant agricole dans le secteur de la viande était près de 60 % inférieur à la moyenne nationale (tous secteurs d’activités agricoles confondus) et n’atteint en moyenne pas les 5 000 euros par an par unité de travail, tout en restant fortement dépendant des subventions publiques. Ces chiffres mettent en exergue les grandes difficultés auxquelles le secteur de l’élevage est confronté et prouvent la nécessité de faire évoluer la politique de production bovine.

Bovins et climat : le bonheur est dans le pré

À la demande du WWF, l’équipe de Philippe Baret, chercheur en agronomie au Earth and Life Institute de l’université de Louvain a comparé en 2020 les performances environnementales et économiques des exploitations laitières et de viande entre 2014 et 2017. Résultat ? Les fermes qui ont fait le choix d’un élevage extensif, c’est-à-dire avec une faible densité d’animaux en prairies, obtiennent les mêmes performances économiques que les exploitations plus intensives. Et ce pour un impact environnemental bien moindre à l’avantage des premières.

Entre 2010 et 2019, les émissions totales de méthane de la Wallonie ont diminué de 17%. Parmi ces 17%, 37% ont diminué grâce à l’agriculture.2 Il est clair que l’objectif de diminution des émissions de méthane, tel qu’envisagé par la Belgique à la COP26, ne pourra pas être atteint si l’agriculture ne fait pas davantage partie de la solution. Une diminution des émissions de méthane doit passer par une réduction du cheptel bovin tout en maintenant les prairies, et donc par une extensification de l’élevage. Ce n’est qu’une hypothèse parmi d’autre, mais si le secteur contribuait pour sa part à la réduction des émissions au même titre que les autres secteurs, alors le cheptel devrait baisser de 30% par rapport aux niveaux actuels (graphe ci-dessous).3

Encore faut-il que cette extensification ne porte pas préjudice aux éleveurs, ce qui est possible si l’on diminue la dépendance des élevages aux intrants alimentaires et aux engrais, en réduisant ainsi les coûts et en améliorant la résilience des exploitations dans l’adversité climatique et économique. Il s’agit d’une part de réduire la densité en bétail de certaines fermes, les plus intensives. D’autre part, il est primordial de soutenir les éleveurs qui maintiennent et renforcent les réserves de carbone dans le sol et nourrissent leur bétail à l’herbe.4 La bonne nouvelle est que cet élevage plus fortement lié à l’herbe a le potentiel de contribuer à la réduction des émissions de méthane du secteur agricole ainsi qu’à la restauration de la biodiversité, tout en ayant des performances économiques égales.

Le rôle du consommateur

Le taux de couverture des besoins en viande bovine nationaux (ratio production/consommation apparente) est de 154%5, ce qui signifie que la Belgique est fortement autosuffisante en termes de volumes. De plus, ces cinq dernières années, le marché de la viande bovine a connu une diminution constante du prix, à la suite de la saturation du marché belge et européen. En même temps, la consommation de viande en Belgique demeure excessive par rapport aux recommandations en matière de santé.

On est donc actuellement dans une crise de surproduction et de surconsommation de viande. Or, diminuer la production de viande n’aura pas pour conséquence d’en importer plus, et produire moins aura également un impact positif sur le prix et donc sur le revenu des agriculteurs. Du côté de la demande, les coûts supplémentaires d’un approvisionnement d’une viande bovine plus durable qui provient des herbages wallons, peuvent être compensés par la réduction du gaspillage alimentaire, la diminution des intermédiaires et le changement de la composition du panier alimentaire des ménages, qui comprend moins de produits transformés et de produits carnés (typiquement plus coûteux), selon la logique du « manger moins, mais manger mieux ».6

Changer de modèle ?

Encore faut-­il que les politiques agricoles accompagnent cette transition vers un élevage plus extensif. Ce qui n’est pas le cas actuellement.

Au niveau du budget total de la PAC, l’aide au bétail est paradoxalement 19 fois plus importante que la mesure d’”autonomie fourragère”, qui incite à réduire la densité du cheptel. En Wallonie, un cinquième de tout le budget PAC wallon est alloué en fonction de la production bovine. Avec comme conséquence, le maintien de cheptels artificiellement élevés, un impact négatif sur le climat et la biodiversité, mais aussi une pression à la baisse sur le prix de la viande.

Pour les associations environnementales, il est indispensable de changer de trajectoire. Plus que jamais et à la lumière des nouveaux objectifs de réduction des émissions de méthane, il est indispensable d’augmenter la rentabilité de la production bovine en œuvrant vers plus d’autonomie alimentaire via le développement du pâturage et la diminution de la production.


1 Source : http://etat.environnement.wallonie.be/contents/indicatorsheets/AIR%201.html (4733 ktCO2/ha, divisé par la SAU wallonne, en comparaison des émissions européennes)
2 Source : Agence Wallonne de l’Air et du Climat (AWAC), 2021
3 Une réduction de 30% du cheptel est également le chiffre qui ressort d’une étude de l’Earth & Life Institute (UCL) dans des scénarios prospectifs pour l’élevage bovin viandeux en Région wallonne.
4 Comme le font, par exemple, les éleveurs bio qui se sont limités à une densité de 2 unités de gros bétail par hectare.
5 Source : https://filagri.be/viande-bovine/chiffres-cles-viande-bovine/
6 Une étude du WWF a montré qu’en effectuant des changements simples, un panier durable permet de réduire de moitié l’empreinte carbone de la consommation alimentaire, sans payer plus cher. https://wwf.be/fr/rapports/le-panier-durable-bon-pour-la-nature-et-le-climat

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