PAC wallonne: une évolution timide, pas de transition en vue

Communiqué de presse de Natagora, WWF, IEW, GP, N&P et l’UNAB

Ce lundi 17 janvier, le Gouvernement wallon a annoncé un accord sur le Plan Stratégique pour la Politique Agricole Commune (PAC) 2023-2027. Le plan contient de petites avancées vers plus de durabilité et de justice sociale, mais elles sont insuffisantes face aux enjeux de transition agroécologique, du Green Deal et de la nécessité de redonner de la rentabilité à l’agriculture.  

Fin novembre, la feuille de route pour la PAC (379 milliards d’euros) était votée au niveau européen dans un contexte très polémique. En Wallonie et à Bruxelles, tous les députés européens du PS et d’Ecolo appelaient à voter contre, notamment car le projet européen n’est pas en phase avec les objectifs de l’Union en termes d’alimentation, de santé, de biodiversité et de climat. 

La Wallonie, avec son plan stratégique régional, a alors dû endosser la responsabilité de rattrapper les insuffisances européennes. Il y a un mois encore, une marge de manœuvre suffisante existait pour rattraper le rendez-vous manqué de l’Europe. Pour la première fois, les autorités environnementales étaient légalement impliquées dans le processus. Tous les espoirs étaient donc permis !

De bonnes intentions qui demandent à être concrétisées

Au moins quatre écorégimes, ces nouveaux dispositifs en faveur de l’environnement, sont le fruit d’un long travail de concertation démocratique, et répondent à de réels besoins : rémunérer les prairies permanentes, le maillage écologique, la couverture des sols et les cultures favorables à l’environnement. Reste que le gouvernement devra faire preuve d’ambition dans leur mise en œuvre, et en matière d’agriculture le diable se cache dans les détails.

Nous saluons également l’annonce de la future protection des prairies de grand intérêt biologique et appelons le gouvernement à une mise en application rapide et efficace.

Enfin, la nouvelle d’une meilleure répartition des aides, avec des plafonds, un soutien accru aux jeunes, et un renforcement du paiement redistributif, sont les bienvenus même si des engagements plus décisifs vers la fin des paiements au revenu à l’hectare et à la tête de bétail sont nécessaires pour, à l’instar de nos voisins allemands et anglais, mettre un terme à la course à l’agrandissement et à la misère économique et sociale du secteur. 

Pas de contribution chiffrée aux objectifs du Green Deal

Là où le bât blesse, c’est que les partis du gouvernement semblent en désaccord sur les objectifs et priorités de la future PAC, et que le plan stratégique manque cruellement d’ambitions chiffrées pour contribuer à l’attente que l’Europe s’est fixée avec le Pacte Vert européen, la stratégie Farm to Fork et stratégie en faveur de la biodiversité. Ainsi, point d’objectifs chiffrés en matière de climat, de maillage écologique ni de réduction des pesticides dans le plan stratégique PAC. 

Pas assez d’espace pour la nature

Pour inverser la tendance de perte de biodiversité, et permettre une réduction des pesticides par un meilleur contrôle des ravageurs des cultures par les prédateurs, il faut redévelopper 10% de maillage écologique en cultures et 15% en prairie. Bien que des progrès soient à attendre en terres arables grâce à une conditionnalité européenne plus exigeante, les ressources budgétaires allouées ne permettront pas d’atteindre ces objectifs d’ici 2027 ou même 2030.

Une réforme sociale mais pas environnementale des aides couplées: Le plan met fin à des injustices historiques dans la répartition des aides au bétail, et propose une articulation théorique avec le soutien des prairies. Mais il les maintient à un niveau de 21,3% du 1er pilier. Ces aides ne permettent pas de répondre à l’enjeu de rentabiliser les prairies permanentes en favorisant les modes d’élevage plus extensifs, ni à atteindre l’objectif climatique. Ainsi, l’écorégime aux prairies va dans la bonne direction, mais n’est pas suffisamment incitatif pour encourager une transition de l’élevage vers plus d’autonomie et de résilience. 

Insuffisance des moyens pour l’agriculture biologique: L’augmentation annoncée de 7% des soutiens au bio sera juste bonne pour permettre aux agriculteurs de faire face à l’inflation actuelle. La prime dans les zones vulnérables et le nouvel appui aux petits maraîchers bio sont des réformes attendues. Malheureusement, ces mesures sont largement insuffisantes pour atteindre l’objectif de 30% d’agriculture biologique de la DPR. D’autres mesures complémentaires bien plus fortes, en matière de réduction de pesticides, et de stimulation de la demande, seront nécessaires pour protéger l’or bleu et accélérer le développement de la bio.

Monica Schuster, chargée des politiques alimentation et agriculture au WWF-Belgique: “La stratégie wallonne marque des petites avancées vers plus de durabilité, mais qui restent insuffisantes par rapport aux ambitions de transition du monde agricole dans le cadre plus global du Green Deal de l’UE”

Julie Van Damme chargée de mission Ruralité chez IEW: “En soutenant l’agriculture biologique uniquement au travers du 2ème pilier, le gouvernement cantonne la reconnaissance de cette forme d’agriculture à une pratique environnementale et non pas comme un modèle d’avenir durable pour les fermes wallonnes. C’est une grosse déception!

Emmanuelle Beguin, responsable agriculture chez Natagora: “La réforme marque des points en matière d’équité sociale et de reconnaissance des enjeux environnementaux. C’est une évolution positive, mais il en faudra beaucoup plus pour une transition vers une agriculture qui travaille avec et non contre la nature”.

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